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- C'est l'histoire de la plus extraordinaire des rencontres, de la plus folle des passions. Car celui qu'elle aime n'est pas humain. Il vient d'une autre galaxie, et d'une autre dimension. Chez les Subtils, comme ils se nomment eux-mêmes, la Terre est connue comme la planète des Fous, et c'est bien la folie des Humains que cet explorateur de haut niveau a reçu pour mission d'étudier. Mais l'amour va l'entraîner beaucoup plus loin qu'il n'aurait pu l'imaginer... Roman d'amour, roman initiatique, mais aussi satire à l'ironie mordante et jubilatoire, le nouveau livre de Denis Marquet, auteur du prémonitoire Colère, nous invite à observer notre propre condition d'un point de vue neuf et salutaire. Cette prodigieuse odyssée dans les ténèbres de l'humain éclaire d'une lumière inconnue le sens de notre aventure ici-bas.
Extrait du livre de Denis Marquet, "La planète des fous", roman paru aux éditions Albin Michel, mars 2005.
Chapitre 7
Fulguration-régal ! Ivresse ultime !
Il m'est donné le délice d'annoncer ceci : l'approche-rencontre a eu lieu. Oui, un Humain m'a perçu, et nous avons échangé des formes-pensées.
C'est arrivé bien plus tôt que je n'aurai pu le prévoir, et dans des circonstances étonnantes. J'ai pris parage au ras de la planète, en un lieu que j'avais préalablement choisi pour son taux élevé d'oppression vibratoire, assuré de la sorte qu'il serait suffisamment peuplé. J'ai cru d'abord me retrouver situé dans le corps d'un Humain ! mais l'habitacle de matière dense au sein duquel j'étais enfermé se révéla, suite à un rapide examen, tenir d'avantage de l'objet-inerte que de l'être-mû; ce ne pouvait donc être la forme-animale à laquelle les Consciences humaines sont attachées. Bien vite, il m'apparut que se trouvait à mes côtés un agrégat subtil humain, dont les inerties compétentes engendraient des formes-pensées directionnelles. L'objet qui nous contenait, que cet être nommait sa "caisse", se mouvait dans les directions représentées grâce à l'action que son singe (corps) exerçait sur un objet circulaire nommé "volant".
Mon compagnon était dans un état de confusion-belligérance inimaginable. Une terrible convulsion-souffrance tordait ses souffles intimes, due au fait que la rapidité du déplacement ne lui paraissait pas suffisante, à cause de l'entrave opposée par la présence d'autres Humains, eux aussi enfermés dans leur propre caisse. "Avance, enculé", "fils de pute", "connard" sont les notions que produisait son agrégat subtil, et selon toute apparence il s'arrangeait pour les rendre perceptibles à ceux dont elles étaient censées lui donner une description, puisque ces derniers lui adressaient en retour les mêmes formes-pensées. Celles-ci me paraissaient trop liées à l'attachement des Consciences humaines à ce qu'ils nomment un corps pour que je puisse encore éclairer leur sens. Mon si fugace séjour au milieu des Humains m'incline cependant à poser l'hypothèse qu'elles jouent un grand rôle dans les relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres.
Durant un quart de phase j'ai sondé les capacités perceptives de l'être dont je partageais la caisse, afin d'ajuster mon niveau vibratoire aux fréquences d'une de ses fenêtres sensorielles. Enfin, je réussis à m'accorder à ce sens qu'ils appellent "vue". Sondant les images de contour humain présentes dans ses réserves-mémoires, je tentais de me donner l'aspect d'un de ses pareils, choisissant, dans le but de ne pas le chavirer dans le pur-effroi, une image qu'il semblait particulièrement affectionner. Mon imitation de cet Humain nommé "Freddy les griffes de la nuit" me semblait assez réussie, du moins pour une première tentative d'allure humaine; je parvins même à produire, pour attirer son attention, une de ces vibrations qu'ils appellent "sonore", et qu'un rapide balayage de ses dépôts notionnels m'avaient permis d'identifier comme une apostrophe de saveur-tendresse : "Coucou".
Il m'entendit, puis il me vit. Un effluve de sublimité-suave m'envahit, d'avoir su établir le premier contact entre un Subtil et la conscience humaine. C'est alors que survint un étrange évènement. Mon compagnon laissa échapper une longue vibration sonore, que je crus d'abord être une manifestation de bienvenue; mais c'était le signe d'une bouffée de terreur-chaos qui l'envahit à ce point qu'il en négligea soudain de produire la moindre forme-pensée directionnelle. Notre habitacle de matière dense se mit alors à obéir aux lois d'en bas, ce qui finit par entrainer sa brusque jonction-mélange avec une autre matière-dense. Durant le laps de temps qui précéda ce phénomène, l'agrégat subtil de mon Humain s'était mis à vibrer à un rythme bien plus rapide qu'auparavant : les visions-mémoire se succédaient en lui dans un éclat-vérité tout à fait neuf.
"Je vais crever" était l'affect dominant, associé à une fréquence de pur-effroi dont l'épicentre était situé au niveau des paliers d'abjection. Puis il me fut donné de comprendre le sens de cette notion, que les Humains appellent aussi la "mort". Car l'agrégat subtil de cette Conscience fut soudain totalement délivré de sa forme-animale ! La caisse était métamorphosée en un objet immobile et de contour indistinct, auquel était étroitement mélangé-moulu le singe avec lequel avait été identifié mon Humain. Et Ce dernier, flottant à quelque distance au-dessus du sol, contemplait la scène en produisant des formes-pensées de désarroi total.
- Ma bagnole...
Il m'accorda son attention. A présent détaché de sa forme-animale, il me percevait distinctement à l'état subtil.
- T'es un vrai connard, toi ! Regarde ce que tu as fait à ma bagnole...
....
Résolu à continuer mon exploration des plans denses, je ne suivis pas mon Humain dans son ascension vers les premiers niveaux d'ivresse. Chose étrange, lorsqu'il échappa à ma perception, il me sembla qu'il était en compagnie d'un Éveilleur. Mais comme je ne vois pas bien pour quelle raison un Éveilleur prendrait la peine de descendre des plans de Vacuité pour s'intéresser à un Humain, j'ai peut-être été le jouet d'un simulacre.
En conclusion de cette approche, je dirai que le plus beau cadeau que l'on puisse offrir à une Conscience humaine est ce qu'on nomme ici la "Mort". Et je me réjouis d'avoir été, pour mon premier contact avec un de ces êtres à la condition si misérable, le vecteur et l'occasion d'une aussi belle offrande.
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