On peut affirmer au moins deux choses sur la prière, lorsqu’on la considère comme une « modalité thérapeutique » :
* Elle a des effets positifs observables et mesurables sur la santé.
* On ne comprend pas bien quels sont les mécanismes qui entraînent ces effets.
Bien sûr, ces affirmations exigent certaines nuances. Les études sur les effets spécifiques de la prière sont relativement peu nombreuses, mais certaines ont démontré des résultats positifs. Les données actuelles semblent donc prometteuses et justifient la poursuite des recherches. Mais elles ne sont toutefois pas suffisamment concluantes pour faire accéder la prière au rang de « traitement médical »1-6.
Beaucoup de chercheurs sceptiques affirmaient toutefois jusqu’à tout récemment qu’en l’absence d’explication rationnelle permettant de comprendre comment agirait la prière, on avait affaire au mieux à des effets placebos, au pire à des fraudes.
Ce point de vue prévaut toutefois de moins en moins. En effet, plusieurs hypothèses sont désormais étudiées sérieusement; elles vont de la théorie quantique à la psychoneuroimmunologie (approches corps-esprit) en passant par la réponse de relaxation et même l’intervention « d’entités spirituelles » (voir plus loin).
Les scientifiques sont toutefois peu enclins à envisager des explications qui fassent appel à des notions comme la spiritualité ou la transcendance. Sans nier l’existence de tels phénomènes, ni même leur influence réelle sur la santé, ils préfèrent généralement exclure ces notions de leurs champs d’investigation.
En ce qui concerne la pratique religieuse, les données sont plus concluantes. De nombreuses synthèses d’études et des méta-analyses établissent un lien clair entre la pratique religieuse et la santé. Cela a d’ailleurs mené à la création d’un nouveau champ d’étude, l’épidémiologie de la religion.
Ainsi, deux études ayant porté sur des dizaines de milliers d’Américains ont établi un lien clair entre la pratique religieuse et l’espérance de vie. Les chercheurs ont constaté que les gens qui ne s’adonnaient à aucune pratique religieuse avaient presque deux fois plus de risques de mourir dans les huit prochaines années que ceux qui pratiquaient plus d’une fois par semaine.
Et l’espérance de vie à l’âge de 20 ans de ces pratiquants était supérieure de sept ans et demi à celle des non-pratiquants.
Les chercheurs se demandent toutefois dans quelle mesure ces bénéfices sont attribuables à la pratique religieuse comme telle, ou au mode de vie « santé » qui y est généralement associé10.
En effet, les personnes qui ont une vie religieuse active auraient plus tendance à manger des fruits et des légumes, à bien déjeuner, à faire de l’exercice, à dormir au moins sept heures par nuit et à porter la ceinture de sécurité11.
Ils auraient aussi moins de comportements à risque en ce qui concerne le tabagisme, la consommation d’alcool et la sexualité, par exemple12. De plus, la pratique religieuse permet souvent de nourrir des relations sociales, ce qui est un facteur propice à la santé.
Enfin, certains chercheurs ont émis l’hypothèse que la religion et la spiritualité, en donnant un sens à la vie et en procurant un sentiment de maîtrise accru, permettraient d’affronter plus efficacement le stress, la maladie et les difficultés.
De quoi parle-t-on
La prière - et tout ce qui touche à la spiritualité - sont des sujets délicats où se mêlent des éléments culturels et sociaux, moraux et éthiques, aussi bien que religieux et scientifiques. Dans ce contexte, il peut être utile de préciser le sens de quelques termes.
* La prière. Elle peut se définir comme une communication ou une ouverture au sacré ou à la transcendance : l’aspect non matériel ou universel de l’être, qui dépasse l’existence individuelle. La prière peut se pratiquer à l’intérieur d’un cadre religieux ou non.
On distingue deux catégories principales de prière. La première consiste à réciter des prières ou à diriger des paroles ou des pensées (de paix ou de guérison, par exemple) vers soi-même ou vers d’autres personnes; on peut la qualifier de prière personnelle. La seconde, la prière par intercession, fait spécifiquement appel à une puissance extérieure - Dieu, Bouddha, l’Univers - qu’on prie d’intervenir.
* La spiritualité. Elle implique la croyance en une force plus grande que soi, active dans tout l’Univers, ainsi que l’intuition d’une unité et d’une interdépendance avec tout ce qui existe.
Elle débouche souvent sur le développement de valeurs personnelles comme la compassion, l'altruisme et la paix intérieure. Tout comme la prière, la spiritualité peut être associée ou non à une pratique religieuse.
* La religiosité. Elle consiste à adhérer aux croyances et aux pratiques d’une religion organisée tandis que la spiritualité est plutôt une quête de sens ou d’une relation personnelle avec une puissance supérieure.
La plupart des études scientifiques portant sur la guérison « spirituelle » étudient les liens entre la santé et la pratique religieuse (la fréquence de la prière, la participation aux offices religieux, etc.) parce que la religiosité est plus facile à mesurer objectivement que la spiritualité2.
Quelques chiffres révélateurs (dans la population américaine)16-20
* 82 % des personnes croient aux vertus thérapeutiques de la prière.
* 73 % croient que de prier pour les autres peut avoir un effet guérisseur.
* 69 % des personnes qui prient à cause d’un problème médical spécifique estiment que la prière est très efficace.
* 64 % croient que les médecins devraient prier pour les patients qui le leur demandent.
* 45 % ont eu recours à la prière quand ils ont connu des problèmes de santé en 2002, contre 35 % en 1997, et 25 % en 1991.
* 45 % disent que la religion influencerait leurs décisions médicales en cas de maladie sérieuse.
* 94 % estiment que les médecins devraient discuter des croyances religieuses de leurs patients gravement malades, ce qui, en pratique, est bien loin d’être le cas.
Les effets observables de la prière
Plusieurs synthèses de recherches et méta-analyses2,7,21 ainsi que deux études épidémiologiques portant chacune sur près de 4 000 personnes sur une période de six ans28,51 tendent à démontrer un lien direct entre la pratique spirituelle (personnelle ou dans un cadre formel) d’une part, et une meilleure santé ou une plus grande longévité d’autre part.
Selon le Dr Larry Dossey, un des chercheurs les plus réputés du domaine, les conclusions des recherches ne font aucun doute : la religion et la spiritualité sont excellentes autant pour la santé en général que pour des problèmes particuliers comme les troubles cardiaques, l’hypertension, le cancer, les problèmes digestifs, etc.
En ce qui concerne les vertus de la prière en particulier, plusieurs synthèses d’études concluent que, malgré beaucoup d'imperfections méthodologiques, elles tendraient à démontrer les effets bénéfiques de la prière pour certaines maladies6, dont les problèmes cardiaques (voir Applications thérapeutiques).
Beaucoup d’experts demeurent sceptiques devant ces résultats. C’est notamment le cas du Dr Richard Sloan24, psychiatre et professeur à l'Université Columbia de New York.
Selon lui, les études sur la prière par intercession manquent de rigueur et présentent d’importantes lacunes méthodologiques.
De plus, il considère que la médecine outrepasse sa sphère d’activité quand elle se mêle de spiritualité.
Même s’il admet que, pour beaucoup de personnes, la religion apporte un réconfort quand la maladie frappe, cela ne signifie pas pour autant que la médecine devrait considérer les pratiques religieuses comme un traitement complémentaire25.
C’est également l’avis du professeur en philosophie Derek Turner, pour qui le fait d’étudier la prière à distance, comme s’il s’agissait d’un médicament, est un non-sens éthique et méthodologique26.
Il déplore que plusieurs études sur le sujet aient été conduites sans l’obtention du consentement éclairé des participants faisant ainsi abstraction du droit fondamental des gens de se retirer de tels projets.
Cet auteur soulève également de nombreuses questions comme le fait que rien n’empêche les participants de recevoir des prières de leurs proches ou que les groupes de prière ne décident de prier également pour les participants du groupe contrôle.
Il termine en mentionnant que les études portant sur la prière à distance ne font, finalement, que reproduirent les tensions ancestrales entre science et religion.
source: http://www.passeportsante.net/fr/Therapies/Guide/Fiche.aspx?doc=priere_th