Remontons au Déluge…., LA MASSUE DE GNORF

« Remontons au Déluge….

LA MASSUE DE GNORF

Je sais comment ça a commencé. J’étais là, j’ai tout vu.

On vivait bien tranquillement dans notre caverne au flanc de la vallée. Le matin, on se chauffait au soleil, et l’après-midi, pour sortir de l’ombre, on allait chasser sous la direction de Gnorf-le Chef, notre chef. Pas mauvais bougre, Gnorf. Il savait maintenir l’ordre parce qu’il était le plus costaud et qu’il avait la plus grosse massue. Il l’avait prouvé le jour où Snark-le-Goinfre et Bheurp-le-Goulu se disputaient une oreille de mammouth qu’on avait tué la veille. Gnorf-le-Chef les a mis d’accord en deux coups de massue, bing, bang, et quelques jours plus tard il a fallu balancer Snark-le-Goinfre dans la rivière à cause de l’odeur. Bheurp-le-Goulu, lui, il en a réchappé, mais on l’a rebaptisé Bheurp-l’Abruti à cause de son regard vague, de son sourire baveux et de sa chanson incessante : « Bing-bang, bing-bang ».

Bref, tout allait bien, on obéissait à Gnorf-le-Chef et on mangeait presque tous les jours quand les Autres sont arrivés. Une bande de gens qu’on ne connaissait pas (forcément, on ne connaissait que nous) et qui se sont installés juste en face, sur l’autre flanc de la vallée.

En les voyant, Gnorf-le-Chef est entré dans une rage folle. Faut dire qu’il aimait bien qu’on le respecte et qu’on sache qu’il était le plus costaud. Mais comment voulez-vous vous faire respecter à travers toute la largeur d’une vallée ? Il a gueulé de toutes ses forces que les Autres devaient filer, que c’était notre vallée à nous et qu’il était lui-même, personnellement, le plus costaud avec la plus grosse massue. Mais ça n’a pas paru émouvoir les Autres. Comme c’était l’après-midi et qu’ils avaient le soleil chez eux, ils se sont étendus et ils ont fait une petite sieste. Une sieste l’après-midi ! Gnorf-le-Chef n’avait jamais vu ça. Il était tellement furax qu’il a failli casser sa belle grosse massue en tapant d’énervement sur la tête de Hunga-la-Grosse, sa sixième épouse (il était le seul à avoir des épouses puisqu’il était le chef). Il n’a arrêté que lorsqu’elle n’a plus eu de tête du tout. Après, on l’a jeté à la rivière comme Snark-le-Goinfre et pour la même raison.

Quand il a été un peu calmé, Gnorf-le-Chef nous a rassemblés et a décidé que les autres devaient disparaître. On allait descendre jusqu’à la rivière au fond de la vallée, remonter de l’autre côté et on allait massacrer tous les Autres pour leur apprendre à obéir. Et s’ils avaient des vivres avec eux, on pourrait même manger une deuxième fois aujourd’hui.

Mais, manque de pot, les Autres nous ont entendu arriver, et au lieu de se laisser assommer par nos massues, ils ont sorti des bâtons pointus et ils ont fait des trous dans le ventre de Gnorf-le-Chef et des copains. Ca les a rendus tout songeurs et immobiles par terre, et moi, qui arrivais un peu en arrière après avoir jeté ma massue pour montrer que j’étais gentil, j’ai pu flanquer à la rivière tous les guerriers de mon clan. Puis le chef des Autres, Booof-le-Maître, a traversé l’eau et a expliqué aux veuves de Gnorf-le-Chef qu’elles étaient devenues ses épouses à lui. Comme il était le plus habile à manier le bâton-pointu-qui-fait-des-trous-dans-le-ventre, elles n’ont pas dit non. D’ailleurs, non, c’est un mot qu’elles ne connaissaient pas.

Et puis Booof-le-Maître a eu une idée : pour éviter de se faire surprendre par des Autres comme nous (car pour lui, curieusement, c’est nous qui étions les autres), il allait choisir un certain nombre de costauds. Ils seraient armés de bâtons pointus ET de massues, au diable l’avarice, et leur fonction serait de défendre notre camp contre les Autres, voire éventuellement d’attaquer les Autres dans leur camp.

C’est ainsi que ça a commencé. J’étais là, j’ai tout vu. A la mort de Booof-le-Maître, son fils G-G-Glub-le-B-B-Bègue lui a succédé, la vallée est devenue trop petite pour abriter tout le clan, alors on a émigré dans la plaine et là on a rencontré des Autres qui se déplaçaient à cheval, c’était intéressant à voir, on s’est battu et on s’est fait massacré, et comme il n’y avait pas de rivière, j’ai du faire des trous dans la terre pour ceux qui ne bougeaient plus, et puis je suis parti avec le chef des cavalier, Tsing-le-Boum, et on a conquis des territoires, et puis il y a eu l’âge du bronze et celui du fer et un moine allemand a inventé la poudre découverte par les Chinois (eux ne s’en servaient que pour des fusées) et en 1798 la France a créé la conscription obligatoire et en 1945 les Américains ont fait péter deux bombes atomiques. Le progrès, quoi. Mais on en est toujours au même point qu’au temps de Gnorf-le-Chef : on gaspille du temps et des efforts, on dépense un pognon fou, on fabrique des saloperies qui fendront la Terre en deux, tout ça parce qu’on se méfie des Autres et eux de nous.

Il n’y a pas moyen qu’on sorte de la préhistoire ?

Schnock-le-Naïf. »

Tiré du « Trombone Illustré » Ed. Dupuis – Supplément à Spirou n°2049 du 21/07/77 (eh oui : c’est si vieux que ça… j’espère qu’il y a prescription pour les droits d’auteurs !!!)


Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existées n’est malheureusement pas fortuite….

Remontons au Déluge…

HOCUS-POCUS ET LE LAPIN

Je sais comment ça a commencé. J’étais là. J’ai tout vu.

La tribut du grand chef Tsing-le-Boum avait réduit en esclavage toutes les tribus des alentours. Tsing-le-Boum lui-même ne craignait plus personne. La seule chose qui l’effrayait, c’était la pensée qu’il allait mourir. Aussi, quand Hocus-Pocus-le-Malin est arrivé en disant qu’il connaissait le secret de la vie et de la mort, Tsing-le-Boum a fait sortir tout le monde, sauf moi (je n’étais qu’un esclave étranger, je n’avais pas d’importance et puis il fallait vien balayer les os de poulet du dernier repas).
Hocus-Pocus-le-Malin a dit : « Grand chef Tsing-le-Boum, regarde ce chapeau. » « Ouais a dit le chef. Si c’est pour montrer ton chapeau que tu me déranges, mon bourreau s’arrangera bien pour que tu n’aies plus de tête où le poser, vu ? » Hocus-Pocus n’a pas montré qu’il avait peur. Il a prononcé quelques mots incompréhensibles et soudain, hop ! il a tiré un lapin blanc du chapeau. « Cà alors ! a dit Tsing-l-Boum. C’est de la magie ! » « Exactement, a fait Hocus-Pocus. De la magie. Je connais les secrets des astres, je lsi l’avenir dans les lignes du nombril et je suis le maître du Lapin-Blanc-qui-protège-de-la-mort. »
« Qui protège de la mort ? Ah ! Mais çà devient intéressant, ça. Donne moi ton lapin ou je te fais couper la tête. »
« Pas fou. Ce lapin, je suis le seul à connaître son secret. Regarde : je le place dans le chapeau, je prononce la formule magique… Hop ! Disparu ! » « Extraordinaire ! Comment fais-tu ça, ô Hocus-Pocus-le-Mage ? » « C’est un SSSSecret », dit Hocus-Pocus en appuyant sur la sifflante.

Du jour au lendemain, il a bénéficié d’un tas d’avantages. Lui seul pouvait lire dans le nombril du chef l’issue des prochaines batailles. Lui seul pouvait choisir après le chef les meilleurs morceaux de poulet.
Un beau jour, un type est arrivé en disant : « Hé, le truc du lapin, j’ai pigé : il suffit d’un double fond au chapeau et… » « Venez donc par ici un moment, a interrompu Hocus-Pocus . J’ai quelque chose à vous montrer ». Le type, on ne l’a revu que quelques semaines plus tard, tout mort et pas beau à voir. Il était dans un fourré avec une ficelle autour du cou et une vilaine grimace sur la figure. Hocus-Pocus a clamé partout que l’inconnu avait été frappé par le Grand Lapin Blanc à cause de ses blasphèmes.

C’est ainsi que ça a commencé. J’étais là. J’ai tout vu. A la mort d’Hocus-Pocus, son fils Abracadabra lui a succédé, et quand un type s’est demandé tout haut comment un lapin pouvait étrangler les gens avec une ficelle, Abracadabra l’a regardé d’une drôle de façon en disant : « On ne parle pas de ces choses-là. » Et le type a demandé pourquoi, et Abracadabra a répondu : « Parce que. »

Depuis lors, il y a eu des tas de choses dont on ne pouvais pas parler. Quand Galilée a dit que la Terre tournait autour du Soleil et non le contraire, on l’a poliment prié de se taire. Il a demandé pourquoi et on lui a répondu « Parce que. » Quand des agronomes et des biologistes russes ont demandé à Lysenko (Trofin Denisovitch) comment on pouvait transformer du froment en seigle, il a répondu « Parce que », et les biologistes ont été envoyés en Sibérie par Staline, et les récoltes miraculeuses promises par Lysenko ne sont jamais arrivées. Quand John Thomas Scopes, instituteur du Tennessee, s’est vu interdire d’enseigner la théorie de l’évolution naturelle, il a demandé pourquoi et s’est vu condamner à 100 dollars d’amende par un tribunal. Parce que.
Encore aujourd’hui, il y a des choses dont on ne peut pas parler. Probablement, comme l’a dit Hocus-Pocus, c’est un SSSSecret. Faut bien asseoir sa réputation sur quelque chose.

Schnock-le-Naïf.


Tiré du « Trombone Illustré » Ed. Dupuis – Supplément à Spirou n°2050 du 28/07/77 (eh oui : c’est si vieux que ça… j’espère qu’il y a prescription pour les droits d’auteurs !!!)


Toute ressemblance avec des événements existants ou ayant existés n’est malheureusement pas fortuite….

remlug a écrit:

… j’espère qu’il y a prescription pour les droits d’auteurs !!!)

Tu rigoles !!? 70 ans après la mort du dernier des ayant-droits. T'as un droit de citation qui doit être limité à un "extrait raisonnable" d'un texte sensé servir ton propos... Fais-toi petit.