La Venus de Quinipily

Qui a déjà visité cette dame remarquable? Il semble que personne ne sait son origine... Une déesse gauloise?
Marc

La Vénus de Quinipily
Idole à la vie dure

Les morbihannais en séjour à l’ile minorque des baléares ne sont pas peu surpris, s’ils visitent attentivement l’église santa maria de port mahon, de lire au sol, sur une plaque funéraire de marbre, l’épitaphe du comte de lannion, pair de France, « balearica minoris gubernator ».

Le gouvernement lui en avait été remis en 1756 par le duc de richelieu qui venait de reconquérir l’île sur les anglais et aux fruits de sa victoire sur place, il préféra cueillir les lauriers de versailles : de grandes qualité de chef d’armée ne sont pas incompatibles avec le sens politique…

Des baléares à vannes

Baroudeur comme un colonial de légion étrangère, le comte de lannion, moins courtisan, plus jeune aussi, occupa volontiers le séjour de ce lambeau de terre méditerranéenne dont la côte découpée ressemble comme deux gouttes d’eau de pluie à la côte de belle-ile ou de groix sur les rivages bretons qu’il connaissait bien puisque son père et son fils furent gouverneurs du château de vannes où ils possédaient un hôtel « cul de sac notre-dame » voisin de celui des villayers. Voilà un premier point de parenté entre le morbihan et la famille de lannion.

Le second est encore plus connu. Aux lannion, les beaux domaines ne manquaient pas, amis ils semblent bien avoir porté leur préférence sur leur noble résidence de quinipily, près de baud, entrée dans leur patrimoine par leur mariage de pierre I de lannion avec renée d’arradon, unique héritière de la dite seigneurie de quinipily, à laquelle s’ajoutaient les terres de kerdréau, du plessis, de la granville, etc.

Le comte pierre II de lannion fit de sa demeure baudaise quelque chose de somptueux. Malgré la disparition du château, on peut encore en avoir une assez bonne idée aujourd’hui. Des lignes subsistent de l’immense jardin en terrasses, agréablement exposé au midi, aménagé avec goût et peuplé d’œuvres curieuses, sinon artistiques.

L’un de ces monuments est resté sur place. Il n’a pas fini d’intriguer les promeneurs, ni d’agacer le monde des antiquaires : c’est la vénus de quinipily. Et finalement, c’est à cette curieuse personne que le comte pierre de lannion doit sa renommée particulière.

Tel qu’on peut le voir aujourd’hui, le monument comprend de haut en bas : la statue de granit d’une femme de haute stature, presque nue, posée sur un socle, lui-même scellé à un piédestal sous lequel une terrasse formait une retenue d’eau évaluée à 1600 litres.

Le piédestal porte, sur chacune de ses faces, une inscription latine, dont voici la traduction :
- à vénus victorieuse, vœu de caius julius cesar
- vénus, oracle des armoricains, jules césar étant chef de l’armée, caius claudius marcellus et lucius cornellus lentulus, consuls, l’an de rome 705
- césar, après avoir soumis toute la gaule, prit le titre de dictateur. De là, il passa dans la grande-bretagne. Vainqueur, il fit triompher la patrie plutôt que lui-même.
- Pierre, comte de lannion, ayant arraché cette idole des païens à la superstition du peuple, la fit placer en ce lieu, l’an de notre-seigneur 1696.

Quant à la statue, elle porte en relief sur la bandelette qui ceint son front les lettres : IIT, dont personne n’a pu donner une explication valable. La sculpture est grossière malgré un profil égyptien accusé, les bras trop grêles, comparés à la masse du corps, le mouvement sans élégance ; et pourtant il émane de cette grosse tête de femme aux cheveux lourds, un charme étrange. On peut même dire qu’elle ne s’est pas contentée d’ensorceler des générations de paysans : elle a littéralement envoûté les savants, et fait délirer leurs imaginations.

Un culte de superstitions

Avant de se fixer à quinipily, la statue connut moult tribulations, pour employer une expression de son époque.

Originairement, elle tronait sur la « montagne » de castennec, position militaire importante de la voie romaine de darioritum (vannes) à vergium (carhaix).

Au XVIè siècle, elle s’y trouvait encore, et sans doute sa situation géographique lui valait-elle le nom populaire de GROAH ER HOUARD, c'est-à-dire la femme de la garde. Ainsi d’ailleurs s’appelle par corruption étymologique, « la coarde », une métairie bâtie au sommet de castennec.

La population lui avait voué un culte superstitieux : les goutteux, les catarrheux, les rhumatisants venaient frotter contre sa pierre leurs membres souffrants et lui offraient des présents ; les jeunes filles en particulier y avaients recours pour trouver un mari, comme elles agissent encore en cachette…

Contre ces pratiques païennes, le clergé ne manqua pas de s’insurger. En 1660, Mgr charles de rosmadec, évêque de vannes, ordonna la destruction de l’idole et chargea de ce soin claude, comte de lannion, seigneur de quinipily. Vénus fut donc jetée dans la blavet et à sa place érigée une croix réparatrice.

Mais les paysans du coin s’indignèrent de ce bain forcé, et nonobstant les instructions épiscopales, décidèrent d’y metrre fin. « En l’an 1664, dit une vieille relation, l’agent de la maison de kervran retira la statue de la rivière avec grande peine et, à force de plusieurs paires de bœufs, la fit mettre sur la terre où elle est pour le jour d’hui couchée sur le dos, et se voit sur le bord de la rivière, amis mutilée en plusieurs partie du corps car on lui a cassé les joues. Néanmoins, peut-on encore aisément connoître que c’était véritablement la figure de vénus. »

Ainsi couchée sur le dos, dans une position fort incommode, vénus n’en vit pas moins ses fidèles revenir et lui offrir leurs hommages accoutumés. L’évêque de vannes l’apprit, se fâche et invita le comte de lannion à briser la statue. En fait, les exécuteurs se bornèrent à lui entailler un bras et à la replonger dans le lit du blavet, attendant que le silence se fit autour d’elle.

Quinze années passées, pierre de lannion, fils de claude, la repêcha, prenant soin toutefois de la soustraire à la vénération des uns et aux insultes des autres en lui fixant un domicile d’accès moins facile. Il ne fallut pas moins, dit-on, de quarante paires de bœufs pour la véhiculer jusqu’au château de quinipily, distant de deux lieux et demie.

Confiée à un tailleur de pierre pour lui refaire une nouvelle beauté, elle fut érigé ensuite sur un support de granit presque aussi haut qu’est longue une vaste auge de pierre traînée à sa suite depuis castennec.

Mais les paysans d’ici ne pardonnèrent point au seigneur cet enlèvement, et comme il avait payé vingt-huit livres au notaire carriou pour en acquérir la propriété, les hommes d’affaires du duc de rohan, poussés par une vindicte populaire, lui dressèrent un procès qu’il gagna non sans peine.

L’actuelle Vénus : une copie

Une pièce du dossier atteste qu’en sortant vénus du blavet, il l’avait retouchée pour en atténuer l’indécence. En fait, d’après sa propre déclaration, il n’y réussit pas. A la première tentative de retaille, la déesse s’en fut en miette : la statue que l’on peut voir à quinipily, ne serait donc qu’une copie. Mais on s’est demandé si pierre de lannion avait bien dit toute la vérité en assurant que la déesse s’était entièrement cassée. Il semble avoir en effet mystifié plus d’un de ses contemporains distingués avec son incroyable vénus. D’ailleurs, son parc était peuplé d’autres statues de granit non moins grossières d’allure, mais non moins énigmatiques. Au début du siècle dernier, un maçon du nom de kergoustin en avai découvert deux parmi les décombres de quinipily. Elles étaient, diton, du même grain que la « vénus ». il les transporta chez lui, tout près de locminé, où elles ont figuré longtemps dans une grange en bordure de la route de baud, au village de bot-coët. Dans le pays, on crut qu’il s’agissait de statues de vrais saints. Les savants s’en mêlèrent et discutèrent à perte de vue de leur authenticité.

Sa nature même n’est pas rigoureusement établie : déesse ou sainte ? pierre profane ou granit sacré ?...


(Extrait de pierres profanes et dalles sacrées, le morbihan pittoresque et disparu de michel de galzain, 1963)

géosophe a écrit:

La Vénus de Quinipily
Idole à la vie dure

Haha, merci!
J'ai trouvé ça:

L'histoire de cette oeuvre remonte à l'Antiquité, elle commence dans la commune voisine de Bieuzy sur la butte de Castennec près du prieuré de la Couarde : une cuve associée à une statue antique repésentant une femme, probablement une Vénus, appelée "Notre-Dame de la Couarde", y était vénérée par le peuple depuis des temps immémoriaux. En 1661, sur la demande de missionnaires, le comte Claude de Lannion fait jeter la statue dans le Blavet. En 1664, elle est ressortie de la rivière puis de nouveau jetée sur la demande de l'évêque de Vannes. En 1698, Pierre de Lannion sort la statue du Blavet et la fait transporter avec la cuve au château de Quinipily. Lorsqu'il veut la faire retailler pour lui redonner "figure humaine", la pierre éclate en morceaux. Il fait alors sculpter la statue actuelle et la pose sur un piédestal neuf au bas duquel est placée la cuve. L'eau y est amenée au moyen de tuyaux, à partir des sources voisines, notemment celle de la fontaine Saint-Michel située au nord. Des insciptions latines sont gravées en relief sur le piédestal. Côté ouest : VENERI VICTRICI VOTA C.I.C. (Erigée à Vénus victorieuse par Caius Julius César). Côté sud : VENUS ARMORICUM ORACULUM. DUCE JULIO, C.C. CLAUDIO MARCELLO ET L. CORNELIO LENTULO COSS AB V.C. DCCV (Vénus, oracle des Armoricains, Jules César étant chef, Caius Claudius Marcellus et Lucius Cornelius lentulus consuls, l'an de Rome 705. Soit six ans avant Jésus-Christ). Côté est : CAESAR GALLIA TOTA SUBACTA DICTATORIS INDE NOMINE CAPTO AD BRITTANIAM TRANSGRESSUS NON SEIPSUM TANTUM SED PATRIAM VICTOR CORONAVIT (César, après avoir soumis toute la Gaule et pris le titre de dictateur, après avoir passé dans la Bretagne, non seulement se couronna lui-même par ses victoires, mais couronna sa patrie avec lui.). Côté nord : PETRUS COMES DE LANNION, PAGANORUM HOC NV MEN POPULIS HUC USQUE VENERABILE SUPERSTI TIONI ERIPUIT IDEM QUE IN HOC LOCO JUSSIT COL LOCARI, ANNO DOM MDCXCVI INI (Pierre, comte de Lannion, ayant arraché à la superstition cette divinité païenne, vénérée jusque-là par les peuples, ordonna qu'elle fut placée en ce lieu. L'an du seigneur 1696).
(Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France)

"Cette Vénus est une curiosité touristique notamment parce qu'elle a toujours fait l'objet de discussions enflammées sur des rituels païens qui ont survécu et défié la christianisation.
La colline de Castennec est indubitablement un lieu de culte préhistorique. Il y a deux cents ans s'y trouvaient encore deux gigantesques menhirs, comme le montrent d'anciennes illustrations. Elle s'est ensuite appelée "Sulim" et était, par sa situation naturelle, un point stratégique et un lieu de fortification des occupants romains. Le nom du lieu provient de la déesse "Sul" à laquelle il est dédié. Cette déesse est souvent appelée Minerve gauloise, Déesse des sources, et fréquemment considérée comme l'égale de la Minerve romaine, dans le temple de laquelle une flamme éternelle était entretenue. Elle est également souvent considérée comme la compagne du dieu celte Belemnos. Il pourait cependant aussi s'agir d'une déesse-mère originelle, du nom de "Soulaeviae", qui est également invoquée en Grande-Bretagne. De plus, la déesse Sul est associée à Mars, le dieu de la guerre, et est considérée comme la sainte patronne des forgerons qu'elle protège lorsqu'ils fabriquent des armes.
Ce patronnage révèle la légende de Saint Bieuzy sous un jour particulier. A ce propos, des archéologues, des celtisants et des théologiens ont beaucoup tatonné et fini par avouer que toutes les interprétations quand à son origine restent plausibles.

En tout état de cause, ces indications suffisent à expliquer pourquoi, jusqu'au moyen-âge, un tel culte fut voué à la statue située sur la colline de Castennec. Elle fut retrouvée dans l'ancien camp romain "Couarde", que seul le nom de de l'écluse du Blavet évoque encore, "écluse de la Couarde". (déformation de la garde)
C'est précisément du nom de ce lieu que proviennent les différents noms usuels donnés à la Vénus dans cette région : "Groac'h er Goard", la sorcière de la garde, ou encore "Ar gwreg houarn", la dame de fer. Bien que nos sources soient très prudentes quand aux informations que prenait cette vénération, les rituels de fécondité comprenaient certainement des pratiques sexuelles.

... (histoire des Lannion)...

La statue se trouve encore dans le parc du château, en contrebas de la fontaine Saint-Michel. Il nous semble probable qu'elle ne soit qu'une imitation inspirée de l'antiquité.
Le culte n'en a pas été étouffé pour autant. Au contraire, il a continué à se développer en étroite relation avec la source qui coule dans le bassin formé par un unique bloc de pierre : on escalade les murs la nuit, les hommes et les femmes se baignaient dans le bassin afin d'être féconds. La source s'est tarie il y a quelques années, car l'extraction de schiste dans les environs a coupé les cours d'eau souterrains."

Extrait de "guide des fontaines sacrées de Bretagne" de Daniel Spoerri

Mouais... Saint Michel en hauteur, la Dame en contrebas, culte de la fécondité, ancien lieu mégalithique... Tout ce qu'il faut pour que ça marche comme sur des roulettes.

La seule chose, c'est que je ne suis pas passée loin de cette dame, et que je n'ai pas eu envie d'aller la voir. Et pourtant, les Dames.... Allez savoir pourquoi.

Eh bien, cette dame devient de plus en plus sympa.

msteurbaut a écrit:

Eh bien, cette dame devient de plus en plus sympa.

Héhé: ...apparemment, la traduction "dame de fer" ou "femme de fer" est fautive, l'original breton étant non pas "ar wreg houarn" mais plutôt "ar wrac'h gwarn", approximativement "la Vieille gardienne"
L'endroit où on a trouvé la statue, à Castennec, s'appelle La Coarde, sans doute déformation du mot breton "ar gward" = La Garde...

bonjour à tous

Je me présente je suis de lorient pationner de généalogie et j'ai 1 de mes ancêtre qui a acheté le chateaux de quinipily en 1792 à la famille LANNION
je possède les copies d'acte de propriété mais pour l'instant je ne possède pas plus d'info que sur le net pour la vénus je dois contacter la
mairie de BAUD pour en savoir + sur cette propriété qui à appartenue à
ma famille (je présise que ns ne sommes pas noble ) mon aieux est
originaire de carlat dans le cantal expatrié à baud en bretagne pour
le travail comme beaucoup d'auvergnat ont fait à cette époque. Je vous tiens au courant de mes prochaines investigations pour la vénus.

cordialement
paul

Et ben, merci à tous pour ces informations car dans une semaine je serai en vacances en Bretagne pour ma 1ère excursion en ces terres mythiques et j'ai prévu d'aller la voir !