Parfum de Mongolie

Parfum de Mongolie
Je me demandais pourquoi j’avais pris cette décision tout à fait inconsidérée de partir aussi loin, dans une improbable aventure alors que mon monde s’écroulait autour de moi, étouffée que j’étais dans une problématique que je n’avais pas crée mais que je subissais sans avoir la force de dire non, peux être par solidarité, ou tout simplement par abnégation parce que dans le processus d’acceptation on se victimise trop facilement dans des énergies qui ne vous appartiennent pas et qui vous noie tel un fleuve incontrôlable.
Mais il était trop tard pour faire marche arrière et je me retrouvai déjà dans ce pays du bout du monde qu’est la Mongolie intérieure à Ulanbaatar ou Oulan Bator, c’est comme on veux, capitale de ce pays vaste comme trois fois la France à 7000 km de Paris et avec moins de deux habitant au KM2.
Nous devions passer trois jours dans cette ville surprenante de part sa modernité, ville dans laquelle je faisais profil bas cachée derrière la visière de ma casquette, trop consciente d’être étrangère, impression que je n’avais jamais ressentie de toute ma vie et qui me mettait mal à l’aise.
Oulan B pour faire simple c’est une cohabitation hétéroclite entre modernité et tradition, les costumes traditionnels ou dels croisent des jeans dernier cri venant de Chine, les visages sombres et fatigués s’opposant aux visages lisses et magnifiques d’une jeunesse impertinente, le portable vissé aux oreilles. Oulan B, c’est aussi beaucoup de policiers et de militaires, visages froids et inexpressifs qui ne vous donne pas envie d’être administrativement en défaut…
Oulan B c’est aussi la visite au monastère de Gandantegchenling avec son Bouddha de 26 mètres paré de pierres précieuses et couvert d’or et de cuivre, apparition qui vous emporte dans une émotion incomparable et incontrôlable. Le monastère de Gandan s’est aussi des centaines d’enfants, moines rigolards et magnifiques installés en lotus sur leur chaise et mangeant de bon appétit des galettes dorées et des légumes aux parfums d’orient.
Après un vol intérieur, un court séjour dans une ville du nord, Möron le temps d’avoir un visa intérieur de la part du représentant des armés, je me retrouve enfin dans le parc national du Khövsgol, avec son lac de 2600km2.
Je n’oublierai jamais la résonance de la terre, l’écho du galop des 16 chevaux de notre folle expédition, durant 21 jours j’allais expérimenter la joie la souffrance physique et la sensation jusqu’alors inconnue d’une liberté tellement totale qu’elle vous donne le vertige, absence de repère dans un espace illimité, horizon sans fin, 360 degrés de solitude habitée d’une énergie palpable avec le cœur, énergie sismique, monde chamanique où tout est possible même l’improbable, univers dans lequel on nous permet de jouer avec les nuages, « demandes et tu recevras » tel devait être mon mantra durant ce voyage, voyage intérieur et extérieur à la fois, confrontée aux éléments qui se déchaînent dans une violence inouïe faite d’eau de neige et de vent. Face aux éléments originels, intégrée, digérée, à la fois faillible et illimitée, fragile et divine, diluée dans un univers qui résonne, imperturbable aux rythme inlassable des sabots non ferrés des petits chevaux courageux et heureux de pouvoir nous faire visiter leur pays sauvage et jusqu’alors indompté.
Après quelques jours, le corps n’existe plus, le lâché prise est inéluctable sous peine de douleurs lorsque on est pas forcément bonne cavalière, ne subsiste plus que les odeurs de mélèzes habitant les forêts interminables, le cri de l’aigle royale loin dans le ciel bleu, le genévrier au parfum entêtant , herbes magiques et fleurs d’edelweiss et l’eau toujours l’eau, le lac puis les fleuves et rivières glaciales et courroucées, pierres et galets aux couleurs chatoyantes, guides mongoles aux statures imposantes, cavaliers imperturbables faisant corps avec leur monture.
Lorsqu’on va dans un tel pays, tout devient ressentis, l’énergie vous consume, la terre tremble mais ce n’est pas de peur, non, c’est la splendeur colérique d’une magie qui est là depuis la nuit des temps, fleur magnifiquement effrayante ne demandant qu’à être cueillie pour peu qu’on s’octroie le privilège d’en être digne.

Voilà, peut être que mes élucubrations vous aurons donné l’envie de partir la bas, sachez toutefois que ça reste un pays dangereux sur le plan sanitaire et que les mongoles ne sont pas forcement les gens les plus accueillant du monde. Ils ressemblent à leur terre, sauvages et brusques et MAGNIGIQUES.
QUARTZ (extrait carnet de voyage 2008)

Puis vient le départ tant attendu et tant redouté à la fois, il est 14 heure 30… imaginez 6 européens, 5 Mongoles dont 2 filles shine B et Togsoo, 16 chevaux à la longue crinière au vent, le pas rapide et nerveux, envie de galop retenu, envie de faire plaisir aux cavaliers mal habiles envie de donner et donner encore, de montrer combien les petits chevaux mongoles sont courageux et forts et beaux et vrais et tout et tout…résonance incroyable des pieds qui trépignent, ricochets d’une colline à une autre comme un tam-tam incroyablement rythmique, unisson parfaite des cœurs qui sont prêt à exploser dans les poitrines des cavaliers et notamment dans ma propre poitrine de non cavalière ne comprenant pas encore ce qu’elle est venue faire là. La terre semble creuse tellement tout résonne, j’ai l’impression de déambuler dans une immense cathédrale, tout est figé, tout est en place, en fait je n’existe même pas tout cela est un rêve, je flotte.
Mon petit cheval je l’ai surnommé trois oreilles à cause des trois encoches qui lui scindent l’orifice en trois, son encolure et ornée d’une longue crinière rousse et sur le haut de la tête on lui a fait une coupe en brosse laissant deux longues mèches rigolotes tombées devant ses yeux doux et malicieux. Je l’aime déjà, il me fait penser à Alfe : extra terrestre ayant élu domicile chez de braves américains et aimant les chats. Le groupe de cavaliers est alors soudé, nos jambes se touchent, les sacoches s’accrochent, les étriers s’entrechoquent dans des cliquetis joyeux, nous sommes un tout, les larmes me viennent mais si quelqu’un me fait une remarque je pourrai toujours dire que ce n’est que le vent.
Impression de totale liberté, comme quand j’étais petite et que je courrais dans l’herbe froide, les bras écartés et criant au ciel : « je suis un oiseau et quand je veux je m’envole », souvenirs délicieusement amers, immensité offerte à mes yeux embués, est-ce que je mérite un tel cadeau ? ne rien perdre du spectacle surtout, cueillir chaque son, chaque odeur, l’herbe magique de Mongolie avec ses edelweiss (fleures que mes camarades ont arrachées sous mon regard triste, elles sont sacrées en France alors pourquoi les cueillir en Mongolie, bien sûr ils ont rigolé, je suis maintenant cataloguée atypique, tant pis), notre passage soulève une poussière sèche et odorante, et puis il y a les forêts de mélèzes qui se dessinent au loin, l’espace est déstabilisant, je suis comme en apesanteur dans un environnement sans frontière ni horizon, je me sent seul et diluée dans l’immensité improbable qui s’offre à moi, livre d’aventure ouvert mais pas encore écrit, livre de vie aux pages de couleurs vives avec quelques intercalaires de brume et de rayons de soleil, de neige froide et de vent glacial, de rires et de larmes, l’histoire continue, Quartz tu vas vivre ton aventure, tu va tenter de t’en délecter jusqu’à en être repue, il te faudra tout noter, tout enregistrer et surtout écouter ton cœur, enfoui dans un magma de non sens il ne demande qu’à briller tel un cristal pur. Beaucoup de boulot, beaucoup d’efforts et quelques frayeurs m’attendent le pied ferme mais je ne le sais pas encore, je vis l’instant et m’en délecte, la vie est belle le monde est beau et la terre tourne toujours sur son axe qui se désaxe.

Wouaaawwww !
Quelle belle expérience, quelles émotions si bien narrées !

Quartz, tu as le don de l'Ecriture.

A mon avis tu as aussi été bercée par le son de l'igil que j'aime beaucoup et par leurs chants de gorge diatoniques (enfin, je crois que ça se dit comme ça en français).

Pour cette belle histoire qui va continuer j'espère,

Merci Quartz,

ton partage évoque des souvenirs si lointains d'horizons infinis qu'une vague émotion m'emporte en lisant tes lignes.

Je meurs de soif........de ces espaces sans limites, sans obstacles, sans repères, ou tout l'espace s'offre à toi sans que rien ne t'appartienne.

Merci de vos comentaires qui me touchent beaucoup.
Lorsqu'on va une fois dans un pays pareil il nous suffit de fermer les yeux pour y retourner à chaque fois qu'on en ressent le besoin.
tout est tellement différent dans le ressentis, il n'y a pas de référence, tout est nouveau, la nature est magnifiquement terrifiante, l'instinct de l'animal longtemps endormis se réveil, l'accident est interdit, du reste il y en a eu un de grave, une chute de cheval, j'ai soigné presque tous les jours et d'un façon que je n'avais jamais osée, la terre est chaman là bas, l'énergie est brute et ne demande qu'à être ceuillie comme une fleure sauvage, c'est le monde du possible et de l'inimaginable, les mongoles ne s'en rendent pas vraiment compte, les plus solides survivent, il y a un taux de mortalité infantile de plus de 52%.
Pas de pharmacie, pas d'hopitaux juste deux à Ulan B.
Ce fut pour moi un véritable voyage initiatique, avec comme maitre la Nature, les éléments et les guides Mongoles et leur sourire moqueur lorsqu'ils me regardaient monter avec maladresse mon cheval au caractère de bourrique.
Je ne me suis jamais sentie aussi vivante .
j'y retournerai. je le sais je le sent.
amicalement
Quartz

Eole a écrit:

Merci Quartz,

ton partage évoque des souvenirs si lointains d'horizons infinis qu'une vague émotion m'emporte en lisant tes lignes.

Je meurs de soif........de ces espaces sans limites, sans obstacles, sans repères, ou tout l'espace s'offre à toi sans que rien ne t'appartienne.

Alors envoles toi Eole

Photos trouvé sur le net car il est mal venu de prendre des photos dans les monastères.
Ce bouddha fait 26 métres de haut et renferme 27 tonnes d'herbes médicinale et est ornée de pierres précieuses.